La préparation physique en sports de combat : le MMA

Série MMA Scolaire et Universitaire. #Ep2

Interview de Stéphane URIAC (Agrégé eps, Chercheur Staps), par cédric CERTENAIS (mma.re)

Vous avez lancé cette année à La Réunion, une formation dédiée à la préparation physique orientée sports de combat. Quelles sont vos attentes ?

Il m’a semblé intéressant dapporter une autre vision de la préparation physique que celle connue de façon simpliste à travers des vidéos prises sur youtube. Des copier-coller de séances vécues au travers de son expérience de pratiquant et finalement sans agencement dobjectifs de formation et de développement physique au sein dune planification.

Trop dexercices sont souvent utilisés sans connaissances réelles de leur impact physiologique sur lorganisme, du transfert possible dans le sport et de leur rôle fonctionnel. Ceci occasionne donc une perte de temps et un risque de blessures par manque de formation technique aux mouvements utilisés, sans compter le manque de connaissances des apprentis préparateurs physiques non formés, sur les effets à court, moyen et long terme des adaptations physiologiques et donc sur la gestion de la charge de lentrainement.

Dans un calendrier qui est chargé en termes dobjectifs pour les athlètes de haut niveau, la préparation physique doit être réfléchie et chaque moment doit être utilisé de façon optimum.

Quelle place accordes-tu à la partie spécifique de la préparation physique dans tes contenus d’entrainement ?

 Si la préparation physique traditionnelle a encore sa place, néanmoins son transfert dans la motricité spécifique est plus délicat.

La préparation physique respectant davantage les fonctions motrices utilisées dans le combat me semble plus intéressante. Mais là encore, cette préparation dite fonctionnelle trouve sa place à un moment du calendrier. Il ma donc semblé important de faire venir un préparateur physique au cœur du métier, qui travaille tant avec des amateurs quavec des professionnels du MMA (UFC, Cage Warrior, ), Muay-Thaï, Karaté, Grappling, Jiu Jitsu brésilienPour nous faire part de son expérience et des problématiques de terrain quil rencontre.

Peux-tu nous présenter cet intervenant ?

Nicolas OTT, préparateur physique au CREPS dIle de France, responsable de la haute performance dans une structure phare de la métropole a de suite attiré mon attention. Cest ainsi quil est venu nous former durant 5 jours complet sur ce sujet au sein de notre association sportive. Dailleurs, une suite est envisagée en avril 2020 sur 2 journées pour nous donner les outils nécessaires à la mise en place de Fight Camp pour booster et affiner la préparation physique des combattants lorsquune échéance compétitive arrive à grands pas (combat de dernière minute à environ 6-8 semaines).

La préparation physique est-elle devenue aujourdhui un incontournable de la préparation du combattant moderne?

Elle est lun des maillons qui constitue la performance au côté d’autres maillons comme la nutrition, la préparation mentale, la préparation technico-tactique. Seule, elle ne peut promettre latteinte des objectifs de performance. Mais absente de la préparation, elle conduit inévitablement à l’échec.

Par ailleurs, ce concept de préparation physique sest aujourdhui élargi puisquil englobe à la fois la préparation à un objectif par le développement progressif des capacités physiques et physiologiques, mais aussi la prévention des blessures et la récupération vis-à-vis des charges dentrainement (physique et spécifique). La gestion des charges dentrainement est un aspect central de la préparation physique. Ce paramètre est malheureusement trop oublié des préparateurs physiques qui se chargent de ce domaine sans qualifications ou formation.

Comment t’es-tu formé au métier de préparateur physique et quel à été ton ton parcour pour t’orienter vers une « spécificité sport de combat » ?

J’ai une licence STAPS entrainement sportif, un master STAPS recherche, et jai suivi des formations en préparation physique avec des formateurs de renom en sports de combats (Georges Cazorla, Yann Morisseau : préparateur physique de Teddy Rinner, Fred Roualen : ancien préparateur physique du boxeur Mormeck, Alexandre Marles : ancien préparateur physique du PSG et responsable de la cellule scientifique à la FFF, Aurélien Broussal Derval, Anael Aubry : scientifique et ancien chercheur à l’INSEP, Yann Lemeur : scientifique, ancien préparateur physique du PSG et chercheur à l’INSEP, Nicolas OTT… )

Je suis également diplômé Entraineur en triathlon (BF4), Brevet dEtat en Natation et possesseur du DIF de Jiu Jitsu brésilien

Par ailleurs jinterviens en tant que formateur à l’université du Tampon auprès des étudiants en STAPS parallèlement à mon métier de professeur agrégé d’EPS en collège et dentraineur en Luta Livre (forme de grappling).

Jai pris en main par le passé quelques sportifs en préparation physique : Golfeurs du pôle France et équipe de France, cycliste en pôle espoir, quelques triathlètes et coureurs de trail. Je suis temporairement un athlète de chez nous en MMA et Luta Livre.

Enfin, je suis actuellement en 2ème année de doctorat où je prépare une thèse sur les synergies musculaires dans les gestes complexes comme par exemple le direct avant en boxe. Une recherche intéressante qui fera la comparaison entre les stratégies motrices et musculaires utilisées par les débutants et les experts (analyse cinématique, coordination des segments, gestion des articulations, ordre des muscles mobilisés, gestion de l’équilibre, répartition du poids sur les appuis, transfert de forces… )

Quel est selon toi, le modèle de performance et les axes prioritaires de travail pour un combattant de MMA amateur (3x3min) et/ou pro (3x5min) ?

Beaucoup dentraineurs et de chercheurs se sont amusés à modéliser la performance dans chacun des sports. Chercher un modèle le plus représentatif de la performance au regard des contraintes que rencontrent les athlètes dans le sport pratiqué.

Pour moi, le modèle de performance constitue une base de départ de travail pour se représenter tous les paramètres qui gravitent et influencent la performance mais ce modèle doit évoluer car dautres contraintes entrent en jeu (le profil énergétique de ladversaire, le profil technico-tactique adverse qui va influer sur notre posture, mobilité, vivacité… )

Le modèle de base de la performance en MMA est issu de données relevées à partir dobservations sur de multiples combats pro (plus de 3900 à l’UFC) sachant que selon les profils des combattants et les différents styles de pratique, un combat pourra être à dominante lutte debout, striking ou au sol ou mixte.

Cela ne donne du coup pas les mêmes dépenses énergétiques, ni le même type de mobilisation de force et de régimes de contractions musculaires mobilisés

Par ailleurs, les données relevées par lUFC montrent quau niveau pro, en 16 ans, la durée des combats a augmenté en moyenne de 32,2%, la durée moyenne des combats étant maintenant de 10min43 (8min02 pour les poids lourds)

Une autre donnée intéressante est que les combats de poids lourds sont remportés par KO / TKO à 60,1%, tandis que 60,3% des combats des poids mouche hommes vont à la décision

Ces paramètres sont à mettre en relation avec le niveau de pratique (amateur ou pro) et la catégorie de poids. L’objectif du modèle de performance est de comparer le modèle de notre athlète avec le modèle de base afin de le faire évoluer dans le temps. Cela passe par une série de tests dans de multiples secteurs. De ce modèle, l’entraineur prendra donc des décisions pour élaborer son programme en collaboration avec le head coach (principal référent du plan technico-tactique)

Enseignant d’EPS, peux-tu nous donner ta vision du MMA scolaire comme outil pédagogique et sa contribution à la résolution des problématiques de violences dans nos établissements scolaires?

Le MMA a longtemps souffert d’une image de violence à cause des médias qui ont surfé sur la vague de ce show télévisé où les combattants s’affrontaient comme des gladiateurs dans une arène clôturée. Pourtant, si l’on analyse bien cette activité, elle dispose de nombreux atouts lorsqu’elle est pratiquée en respectant des règles de combat et de sécurité.

La codification des points octroyés en fonction des touches réalisées et des actions d’amener au sol, de maîtrise au sol, permet aux pratiquants d’apprendre non pas à vaincre avec la volonté d’humilier ou de faire mal, mais en obtenant le maximum de points. Le combat est alors plus réfléchi, stratégique, méthodique et maîtrisé.

De plus, l’acceptation du règlement par les 2 athlètes participe à l’acceptation de règles communes, l’éducation d’un respect commun. L’intégration d’un arbitre vigilant à la sécurité des athlètes participe à cette volonté du respect de l’intégrité physique des personnes et à donner un autre sens à la soumission : elle n’est plus l’acte humiliant montrant la supériorité de l’un par rapport à l’autre mais une action physique faisant abandonner l’adversaire par supériorité technique.

Pour autant, la soumission n’est pas la seule façon de remporter un combat : le nombre de points obtenu au bout du temps imparti à l’épreuve constitue une autre voie. Les rôles d’arbitre et de coachs assistants peuvent prendre tout leur sens dans l’enseignement du MMA scolaire.

Un apprentissage de techniques (aspect culturel), l’entraide et la solidarité (rôle du coach ou tuteur), l’intégration de valeurs citoyennes (se saluer, respecter son adversaire dans le combat en ne cherchant pas à aller au-delà de sa supériorité technique pour ne pas faire mal, adopter des rôles de responsabilités à la table de marque, juge… )

Quel est ton avis sur l’utilisation du MMA scolaire comme outil de lutte contre le surpoids qui touche à la Réunion un élève sur deux?

Le MMA est une activité physique et sportive mobilisant l’ensemble des parties du corps au travers d’actions de déplacement debout, au sol, des mouvements explosifs de touche mais également de tirer, pousser, soulever… La combinaison de toutes ces actions fait que le MMA nécessite de grands besoins énergétiques durant le temps imparti à l’entrainement et aux assauts à thèmes.

Il n’y a qu’à relever la fréquence cardiaque en cours d’assauts pour voir que nous atteignons des Fc proche de 85-90% Fcmax (selon le niveau de pratique).

Les chaines musculaires étant mobilisées dans leur ensemble, le métabolisme énergétique est grandement sollicité et puise dans les réserves du corps pour fonctionner.

L’enseignement de cette activité complétée par un apport de connaissances en nutrition est indéniablement un atout pour lutter contre le surpoids. Chez les adultes pratiquants dans des clubs de MMA à raison de 2 fois par semaine, il arrive souvent d’observer des pertes de poids proche de 6-10kg sur une période de 2 mois.

Penses-tu que les mentalités ont changées dans la communauté des enseignants issus des matières générales par rapport au MMA scolaire et à son potentiel éducatif à destination des élèves ?

Le MMA scolaire n’a pas encore eu toute la place qu’il mérite dans le milieu scolaire (puisqu’il n’est pas encore reconnu par le Ministère de l’Education Nationale mais bientôt légalisé par le Ministère de la Jeunesse et des Sports) si bien que peu d’enseignants des matières générales ont écho des bienfaits de cette activité.

Tout comme la lutte, le judo et la boxe qui sont présentes à l’école, l’enseignement du MMA nécessite également que cette APS ait un traitement didactique opéré par les enseignants d’EPS au travers de filtres éducatifs. L’activité servant au final de support à l’enseignement de valeurs citoyennes, attitudes (prise de responsabilités), connaissances et compétences méthodologiques.

Le MMA étant un mélange d’activités duelles de percussion (tout type de boxes, Karaté, Taekwondo, …) et de préhension (Lutte, Judo, Sambo, JJB, …). Cette activité ne peut qu’être bénéfique à l’enseignement de ces finalités éducatives scolaire.

En effet, à travers la gestion des distances, des phases de transition entre la partie boxe debout, la partie transition pour amener au sol, le contrôle au sol, de multiples connaissances peuvent être transmises sur le plan culturel, méthodologique et social. C’est donc un point qui nous a semblé important, en tant qu’enseignant d’EPS. L’aspect sécuritaire a grandement sa place pour une pratique raisonnée et critique.

Nous avons donc créé avec des collègues d’EPS intervenant dans le second degré mais aussi dans le milieu universitaire, une association de type loi 1901, dont l’objet est la pratique du MMA éducatif et sportif afin de mieux communiquer sur cette forme de pratique, en UNSS et pourquoi pas en EPS.

C’est en s’appuyant sur les expériences pédagogiques menées par les collègues sur le plan national que nous pourrons alors montrer un autre visage du MMA et conforter le choix de la légaliser en France.

Contacts :

  • Uriac Stephane ( facebook Association PERForm-ES)
  • Association MMA Scolaire et Universitaire : mmasco@googlegroups.com

Propos recueuillis par Cédric CERTENAIS (www.mma.re)

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